samedi 2 juillet 2011

Décalage

Il est 23h, j’ai rendez-vous pour dîner avec Maxime et Vincent, mon collègue super cool. Myriam est là ce week-end, ça promet un revival de notre période folle il y a un peu plus d’un an. Des soirées sans fin, beaucoup d’alcool, de drogues, de drague, de drama, de la musique, de la danse. Des lendemains mous où ton corps te dit merde. Des appels téléphoniques de débriefing pour savoir ce qu’il s’est passé après que je sois partie me coucher. L’heure à laquelle les autres se sont couchés : 10h, midi, 15h… Non, ce soir on ne sort pas, on a tout donné hier.

Le dîner est sympa, la conversation est fluide. Vincent doit conduire, il fait attention à ce qu’il boit. Maxime prend quelques verres, la rapidité et la cohérence de ses propos commencent à décliner. Nous nous séparons à 1h30, je pars avec Maxime en direction de l’ancien appart de Myriam où ont dîné Lorraine et son mec, qui habite là et leurs amis, tous proches de Myriam. La fête bat son plein, ils ont déjà tous beaucoup bu. Je suis vraiment contente de revoir Myriam, même si la première chose qu’elle me dit en me voyant c’est « Je suis un peu bourrée.. », ce qui est un euphémisme. On parle un peu, je prends des nouvelles de Lorraine, on danse.


Gringo m’envoie un message pour me demander de me tenir au courant de mes plans, vu que nous nous sommes ratés le week-end dernier. « On bougera certainement vers le centre plus tard. » Bizarrement, je suis flattée qu’il pense à moi aussi tôt dans la soirée et non pas à l’heure où on se rend compte qu’il n’y a plus rien à se mettre sous la dent et qu’il vaut mieux réchauffer les restes que manger un truc périmé.

Il est 3h30, un mouvement s’amorce. Maxime et Myriam se sont enfermés plusieurs fois dans une chambre, et je suis toujours aussi naïve, même après des années de soirées avec eux.

« Vous faisiez quoi ?
- L’amour, répond Maxime »

Ah oui, c’est vrai. Je sais pas pourquoi je demande. Je crois que je vivrai toujours dans un Disney.

A 4h, après avoir fait comprendre à Maxime qu’il fait chier à se resservir des verres juste quand on dit qu’on s’en va pour ensuite nous demander d’attendre qu’il ait fini, nous partons vers le centre. Dans l’ascenseur, il me dit comme à peu près à chaque fois qu’on sort : « Sun, faudra que tu m’expliques un jour comment tu fais pour nous supporter. » Nous nous séparons en 3 taxis. Message de Puppy Dog : « J’ai passé une super bonne soirée, j’adorerais que tu sois là. Je suis complètement bourré », sur fond de débat stérile entre Lorraine et son mec qui se dit catastrophé de l’état dans lequel sont les gens et du fait qu’on ne va pas pouvoir faire ce qu’on avait prévu de faire demain. Lorraine lui explique maintes fois qu’on verra bien et que c’est pas grave.

Le taxi arrive, j’appelle Gringo. La conversation n’avance pas, a priori il est avec un gros groupe qui n’arrive pas à se décider. On se rappellera plus tard. Je me mets dans la queue de la boîte choisie par la majorité. Gringo rappelle plusieurs fois, toutes les conversations se terminent par un « je te rappelle, on est en train de se décider ». Je regarde autour de moi, j’ai un déjà-vu. J’ai chaud. Je suis fatiguée, pas physiquement mais mentalement. J’en ai marre. J’essaye de sonder mon entourage quant à la boîte en question, peu de personnes m’écoutent et du peu de personnes qui entendent la question, personne ne sait me dire ce qu’il se passe à l’intérieur, quelle musique, le prix de l’entrée. Gringo m’envoie un message avec le nom de la boîte qu’ils ont choisi. La queue avance, il faut que je me décide. Tous mes amis rentrent et le videur arrête de faire rentrer juste devant Maxime et moi. Nous restons 5 minutes de plus dehors. Il me demande si j’ai des conseils par rapport aux filles.

« Ne bois plus à partir de maintenant.
- Oui mais quand tu payes une entrée avec une conso c’est dur de pas la boire.
- Ne bois que celle là alors…
- Autre chose ?
- Oui, fais des phrases cohérentes, essaye de ne pas laisser passer plus de 10 secondes entre chaque mot. Et fais gaffe à ton haleine de phoque bourré. »

Il acquiesce solennellement. Le videur nous fait passer, il y a aussi la queue à l’intérieur. A peine rentrés, les gens de derrière nous grillent, ce qui finit de m’exaspérer. Je dis au revoir à Maxime et ressors. J’appelle Gringo qui en est toujours au même stade « perdu dans la rue machin au coin de la rue machin ». Bouge pas, j’arrive. On se retrouve, il me présente à ses potes. Nous nous dirigeons vers la boîte choisie. Personne ne rentre, tout le monde finit sa bière dans la rue. Un groupe part dans l’appart de l’un des potes de Gringo. Gringo s’excuse mille fois parce qu’il a bu et qu’il a l’intention de continuer à boire et parce que ses potes sont partis. Il me demande plusieurs fois si je m’amuse. Je lui réponds plusieurs fois que je suis une grande fille et que si je ne m’amusais pas, je ne serais pas là. Il me dit que j’ai de la chance de voir le divertissement dans sa forme la plus pure. Je souris, je me sens un peu triste : je ne sais pas pourquoi les gens se sentent obligés de se justifier. Message de Maxime : « Amuse-toi bien, bisous de nous tous ! »

Il est 5h, j’ai parlé à quinze mille inconnus. Gringo me demande si ça me dérange s’il s’enfarine la gueule devant moi. Je lui réponds que non, pas du tout. Il insiste sur le fait que c’est important pour lui de demander, c’est un peu comme un dépucelage, ça peut mal se passer. Pour lui, c’est une marque de respect. Je lui réponds que c’est très gentil de sa part et que j’aimerais qu’il me donne l’adresse de sa mère pour que je puisse lui envoyer des fleurs avec une carte disant : « Merci d’avoir si bien éduqué votre fils, c’est rafraîchissant d’avoir quelqu’un qui vous demande la permission avant de se droguer devant vous. » On finit par rentrer dans la boîte, Gringo paye pour moi. On en ressort à la fermeture et nous nous mettons en route vers son appartement. En chemin, il se dit que ça serait sympa de passer à l’appart de son pote pour voir s’ils sont toujours debout. J’hésite puis suis le mouvement : ils étaient tous très sympa, alors pourquoi pas.

L’appart a l’air meublé mais les meubles sont cachés sous les mégots et les bières vides. Je parle à tout le monde, rigole beaucoup. On me propose un rail, je refuse. On me propose une bière, je refuse. Au bout d’une demi-heure, mes lentilles sont tellement sèches que je ne vois plus rien et je n’ai pas de larmes artificielles sur moi. C’est certainement un signe : j’informe les personnes présentes que je m’en vais. Gringo me raccompagne dans la rue et m’embrasse longuement. Il me dit qu’il aime bien me voir, que je ne suis pas une personne comme les autres. Je souris, je me sens triste.

Arrivée chez moi, je saute dans la douche puis dans mon lit. Il fait jour. J’envoie un message à Puppy Dog pour qu’il me réveille en insistant lourdement à 13h. Je roule sur le côté. Je me sens oppressée. Je ne pense à rien. Je n’ai pas bien dormi.

Ca faisait des mois que je ne m’étais pas sentie autant en décalage.


Ca passera. Une fois de plus, ça passera.

2 commentaires:

  1. Où miss Sunday prend le temps de regarder sa vie. Merci pour ce partage.

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  2. Un sentiment que je connais parfaitement ; malgré les amis, malgré la bonne ambiance et même malgré l'alcool, y'a un truc qui coince...
    Prends soin de toi

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