mardi 10 août 2010

Le soufflé

Ma mère faisait toujours des supers soufflés au fromage. Quand ça arrivait, on essayait d’être à table pour sa sortie du four, avant qu’il retombe. Parce que manger un soufflé tout raplapla, c’est un peu décevant. Un peu comme les gougères que j’ai mangées l’autre jour à un barbecue : elles étaient très bonnes mais elles étaient toutes plates… Pour les rendez-vous, c’est pareil.

J’ai rencontré il y a peu un mec qui m’a fait un effet dingue. Grand, beau, sympa, drôle, superbe connexion au lit… Un peu jeune, mais bon… J’étais ravie et j’avais très envie de le revoir. Lui aussi visiblement, il m’a envoyé un message quelques jours plus tard me demandant quand est-ce qu’on pouvait se revoir. Nous décidons par téléphone de nous voir ce week-end, et déjà je le sens plus éteint que la nuit de notre rencontre. Je passe outre : le travail, le stress, on n’est pas tous toujours au top de la funkytude, surtout quand une meuf appelle à l’improviste. Il me dit qu’il me préviendra du jour du rendez-vous, parce que l’autre soir il doit voir un ami qui n’est pas là souvent. Ca me fait un peu bizarre. J’ai un peu l’impression d’être le plan de rechange, mais je décide de laisser sa chance au produit.

N’ayant pas de nouvelles, je le rappelle dans l’après-midi du vendredi, parce qu’il est bien gentil mais un date, ça se prépare, et je n’ai pas envie qu’il me prévienne une heure avant. Je lui demande où il en est dans l’organisation de son week-end.
« Je sais pas, j’arrive pas à joindre mon pote. Je lui ai laissé un message…
-    Ecoute, je te laisse une heure. Après ça je vais commencer à m’organiser pour sortir ce soir…
-    T’énerve pas ! Ecoute, je crois qu’il vaut mieux qu’on se voit ce soir, parce que comme je suis un peu fatigué…
-    …  Sympa ! (Dans ma tête, j’ai dit WHAAAAAAT ?)
-    Non mais genre, si on va boire un verre, ça va être tranquille non ? Donc voilà, comme je suis un peu naze… »

Cette conversation est un supplice, je coupe court en décidant du lieu et de l’heure de rendez-vous le soir même.

A l’heure dite, me voilà au rendez-vous. Il est déjà là, il attend en jouant nerveusement avec son ticket de métro. Je constate qu’il est effectivement complètement éteint, ce qu’il me confirme quand je lui demande si ça va :

« Je suis un peu énervé, mais ça va passer, j’ai besoin de me changer les idées. »

Le chemin qui sépare le métro du bar est ponctué de blancs. D’autant que je n’ai eu aucun compliment…  Par manque de choses à dire, il me répète deux fois à deux minutes d’intervalle que ça fait longtemps qu’il n’est pas sorti dans ce quartier. On est de la même année mais pourtant je commence à le sentir très très jeune, et une fois que j’ai cette idée en tête, c’est dur de penser à autre chose.

On arrive au bar, on commande, et là… Rien. Je pose des questions, auxquelles il répond rapidement et distraitement, il n’en retourne aucune. Je pense fort à Lorraine et à son coup de gueule contre les mecs qui ne parle que d’eux. Je pense à S. qui parle tout seul, je me demande s’il vaut mieux un mec qui parle beaucoup et qui bande pas à un mec qui parle pas et qui bande. Dans mon désespoir, j’en viens à me dire que la première solution est la meilleure.

Pour la forme, je pose des questions sur les séries qu’il regarde : « The Office, HIMYM, The Big Bang Theory… ». A ce moment là, le soufflé est encore dans le four. On sait pas ce que ça va donner mais le soufflé est dans le four, il va bientôt sortir. Et je sais pas pourquoi, j’ai la sensation que même s’il manque la moitié des ingrédients et que tous les convives ne sont pas à table pour sa sortie, j’ai la sensation qu’il va être super réussi.

« J’adore les films genre Gladiateur, 300, Troie… » Ayé, on vient de sortir le soufflé du four et personne n’est à table… Il va retomber si les gens n’arrivent pas dans les deux minutes !

« J’aime pas Tarantino » Pfffffff (le soufflé descend petit à petit)

« J’écoute pas de musique chez moi, j’en écoute que quand je me prépare pour sortir. De la house… » Le soufflé est creux, la cuisinière est désespérée.

« Et de la pop aussi, genre pop mélodique où tu peux gueuler les paroles » La cuisinière entend les convives arriver et sait qu’elle ne peut rien faire pour rattraper son soufflé.

« Surtout pas de rock » Les invités s’installent en marchant chacun leur tour sur ledit soufflé, qui ne ressemble plus qu’à un pauvre amas jaune visqueux qui pue le fromage.

Barrons-nous. Vite. Allons chez moi s’adonner à des activités qui ne requièrent pas ou peu l’usage de la parole. Allons profiter de sa jeunesse, de sa facilité à bander et re-bander encore et encore. Allons manger des gougères plates.

Comment peut-il me rendre aussi dingue au lit ? Il est complètement différent quand je suis à poil…  Il est parti tôt le matin, heureusement. Je crois qu’il a l’intention de me rappeler. J’ai bien envie qu’il me rappelle, mais je ne passerai plus jamais, JAMAIS par la case bar-conversation.

Comme quoi, parfois il vaut mieux manger la pâte sans la mettre au four. J’arrive pourtant bien à savoir avec qui la cuisson améliore la préparation. Mais celui-là, je l’avais pas vu venir…

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